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ELLE ET LUI, de Leo Mac Carey



Avec Cary Grant, Deborah Kerr

 

Titre original : An Affair To Remember

Long-métrage américain . Genre : Romance

Durée : 01h55min Année de production : 1957

 

Synopsis : Un playboy d’origine italienne et une ravissante chanteuse de cabaret tombent éperdument amoureux au cours d’une traversée sur un paquebot. Mais il est fiancé et elle doit se marier à un riche Texan. Pour mettre à l'épreuve leur amour soudain, ils décident de se séparer et se donnent rendez-vous six mois plus tard au sommet de l'Empire State Building...

 

 L’analyse de Jacques Lourcelles, dans son Dictionnaire du Cinéma, Editions Robert Laffont, coll Bouquins :

 

« Dans les vingt dernières années de sa carrière,  Mc Carey ne réalise que sept films, ce qui assez peu à cette époque pour un cinéaste hollywoodien de son envergure. Son esprit autocritique hyper-développé, sa volonté de ne jamais filmer pour ne rien dire, et surtout son désir d’approfondir et de synthétiser dans chacun de ses films un aspect privilégié de son message expliquent ce relatif laconisme. Après six ans de silence, McCarey consacre un film entier à parler des sentiments. Il le fait dans une œuvre que l’on peut désigner comme un mélodrame, mais dotée de certaines caractéristiques très particulières. Par exemple, les deux héros (Nickie Ferrante et Terry McKay), ava,t de devenir des personnages de mélodrame, appartiennent de toute évidence au domaine de la comédie américaine. C’est pour mieux cerner son propos et en augmenter la densité que Mc Carey recourt ici à une certaine intemporalité (le film est un remake de son Love Affair de 1939), qu’il évite, sauf dans les séquences très brèves et très aiguës consacrées à la télévision, tout élément de satire sociale, domaine où pourtant il excelle, et qu’il donne enfin une grande autonomie à ses personnages. Non seulement ils n’appartiennent pas au domaine du mélodrame a priori, mais ils sont décrits avec une richesse de notations psychologiques que le genre exclut le plus souvent.

Le sujet réel du film, c'est l'importance et l'influence des sentiments sur le destin des personnages et sur la découverte qu'ils font d'eux-mêmes. A cet égard la scène capitale du film, quoique apparemment en marge de l'action, est celle de la visite à la grand-mère. Là, la triple convergence du sentiment amoureux (né sur le bateau), du sentiment religieux (discrètement abordé dans la scène de la chapelle), du sentiment familial (description du lien unissant Nickie à sa grand-mère) scelle l'union des deux héros et leur ouvre définitivement les yeux sur eux-mêmes. Cette scène, l'une des plus belles de l'œuvre de McCarey, contient aussi le thème de l'ermitage, paradis limité dans l'espace et protégé du monde, image de ce paradis intérieur que les personnages découvriront peu à peu à travers les sentiments qui les unissent à autrui et à l'univers. On notera que l'aspect mélodramatique, dans le sens le plus épuré du terme, naît pour l'essentiel des relations entre les personnages et que McCarey n'utilise la péripétie de l'accident matériel que très tard dans l'intrigue, comme obstacle, comme révélation et comme confirmation ultime apportée à l'évolution intérieure des personnages. L’élégance et la finesse de l’interprétation, la discrète efficacité des gags (dont la géométrie, très harmonieusement intégrée au nouveau format du Cinémascope, est un héritage du burlesque ; cf le jeu des regards des quatre personnages à leur arrivée dans le port de New York), la subtilité de la modulation par laquelle des éléments de comédie classique virent au mélodrame, témoignent du génie de McCarey, alors au sommet de son art.

 

NB : Le cas d’un metteur en scène signant un remake d’un de ses propres films est loin d’être unique dans le cinéma hollywoodien (cf DeMille et ses trois Squaw Man, Hitchcock et ses deux Homme qui en savait trop, etc). Ce qu’il y a de particulier ici, c’est que la continuité de An Affait to Remember est quasiment identique, scène après scène, à celle de Love Affair. C’est sur le seul plan formel que surgissent les différences. Au ton monocorde, ouaté, sobre et effacé de Love Affair succèdent ici des heurts beaucoup plus violents nés du contraste entre l’irruption des détails comiques et la montée irrésistible des sentiments dans le cœur des personnages. L’harmonie qui s’installe dans An Affair to Remember est une harmonie paradoxale puisqu’elle réussit à intégrer des paroxysmes comiques et dramatiques extraordinaires, seulement contenus à l’état de germe dans Love Affair. »

Badlands, de Terrence Malick, en présence de Michel Ciment (28 septembre 2010)

Badlands, de Terence Malick au ciné-club de l'ENS, en présence de Michel Ciment
Premier coup d’éclat  « Tranchant et opaque, Badlands reste l’un des premiers films les plus fulgurants de ces deux dernières décennies et l’un des rares qui ne doive rien à un genre, qui s’inspire plus d’une culture que du cinéma antérieur, l’un des plus contrôlés dans son écriture, son cadre, sa photographie, sa bande sonore : la musique, mais aussi les voix, les sons, les accents, le mixage [1] . »
Dans la droite ligné de Citizen Kane (1941), Le Point de non-retour (Point Blank, 1967), ou Portrait d’une enfant déchue (Puzzle of a Downfall Child, 1970), Badlands (La Ballade sauvage, 1974), le premier long-métrage du cinéaste américain Terrence Malick, fait partie de ces quelques premiers films qui semblent sortis de nulle part tant ils sont maîtrisés, inventifs et originaux. D’ailleurs, tout comme Orson Welles, Jerry Schatzberg ou John Boorman, les auteurs respectifs des trois films cités plus haut, Malick partage un parcours qui ne le prédestinait pas au cinéma. On sait que Welles était acteur et metteur en scène de théâtre, puis homme de radio ; quant à Schatzberg et Boorman, le premier était photographe de mode et le second réalisait des documentaires pour la télévision anglaise. Malick, lui, fils d’un dirigeant de compagnie pétrolière qui grandit au Texas et en Oklahoma, a étudié à Magdalen College à Oxford en tant que boursier (sans finir son cursus). 

Parallèlement à cela, dans sa jeunesse, il a travaillé en été en tant que saisonnier dans des champs au Canada et aux Etats-Unis, ainsi que comme ouvrier, mais aussi comme journaliste pour les prestigieuses revues Life, Newsweek et The New Yorker. Il a suivi des cours de philosophie à Harvard, avant de devenir lui-même professeur au MIT, époque à la quelle il se lie d’amitié avec le philosophe américain Stanley Cavell. Mais au bout d’un an, il quitta son poste, laissant en plan sa thèse sur « le concept d’horizon chez Husserl et Heidegger » et suivit une formation en cinéma à l’American Film Institute. Après avoir dirigé un court-métrage dans lequel il jouait également, il se fit une réputation dans la réécriture de scénarios[2], puis réalisa La Ballade Sauvage, avec une équipe réduite, non syndiquée et un budget de 300 000 dollars plus que dérisoire. Le tournage fut compliqué, faillit s’arrêter par manque d’argent ; Malick remplaça lui-même un acteur absent le temps d’une courte scène [3] .